– Cap’tain Nemo !
– Capt’ain Nemo !
Mais qui m’appelle et me réveille dans les fonds de l’océan profond ? Est- ce un rêve ? Une illusion ? Un dessin animé ?
– Cap’tain Nemo !
Ah ! Non !
C’est l’océan qui vaque à sa magie de baleines, d’orques et de dauphins. Qu’ont-ils à ce jour à me sortir de mon engloutissement ?
– Grande réunion tout de suite, grande réunion chantent les mammifères marins, grande réunion pôle sud, tout près de l’Antarctique, venez nombreux, venez vite, venez, venez. Cap’tain Nemo, venez, très important, très nécessaire.
Qu’ont-ils donc de si urgent ! Moi, je ne veux surtout pas recroiser le regard de cette abominable pieuvre qui, je le sais de source sûre, surveille ma grotte et mon vaisseau.
– Grande réunion ! Grande réunion ! Danger pour tous, tous solidaires. Cap’tain Nemo venez, Gourgamanimollia est avec nous, sortez donc.
– Gourgamanimollia me laissera donc passer sans encombre ? Est-ce bien sûr Orshka?
Sortir de mon livre, de mon vaisseau, de mon monde souterrain ! Quelle aventure pour mon grand âge ! Je ne suis pas convaincue que Jules me laisserait partir aussi facilement. Il faut d’abord vérifier le scaphandre, est-ce que j’ai encore de l’oxygène dans ces bouteilles rouillées.
– Mais tu n’as plus besoin de rien Cap’tain ! Tu es mort depuis longtemps.
– Pas dans les livres ! Dans les livres je suis toujours vivant.
– Alors si tu es vivant dans les livres, trouve vite une solution, je peux te porter sur mon dos jusqu’en haut.
– Qu’avez-vous tous ? Si je suis mort, qu’avez-vous besoin d’un mort ?
– On veut que tu hantes le continent. Il faut faire peur aux hommes, ils ont des projets sur nos terres vierges, les dernières. Dépêche-toi Cap’tain.
Hanter l’Antarctique, quelle drôle d’idée ! Il n’y a jamais personne, ou presque personne à l’exception de scientifiques qui calculent l’âge de la Terre. Et il fait froid là-haut, c’est glacial ! Et c’est tout blanc, un fantôme serait invisible. Quelle drôle d’idée ! Tout de même !
– Et comment je me nourris là-bas ? Pas d’algues, pas de poissons ! Comment je survis ?
– Mais puisque tu es mort ! Puisque tu ne vis que dans les livres, tu vas trouver les mots pour te nourrir.
– Et mon vaisseau ? Qui s’occupera de mon vaisseau ?
– Je le remonterai avec mes enfants.
– Qui ?
– C’est moi Gourgamanimollia, j’ai les reins solides et surtout des ventouses très adhésives.
– Ah ! Ben ça oui ! Je m’en souviens !
Si ma pire ennemie pense que c’est tellement important, je devrais les suivre. Un vaisseau fantôme… Ah ! Oui, je me souviens ! Mais ce n’était pas pour sauver l’Antarctique ! Une simple histoire d’amour tragique. Ah ! Ces descendants d’humains ! Quelle mouche les pique toujours pour vouloir encore et encore détruire ! Ne seront-ils jamais satisfaits !
– Cap’tain Nemo ! S’il te plaît ! Le temps presse ! Ils arrivent sur des gros cargos avec de grosses machines ! Tu dois leur faire peur jusqu’à ce qu’ils abandonnent leurs forages qui va nous rendre la mer amère, encore plus empoisonnée, encore plus…
– J’entends ! J’entends Orshka. Mon pauvre vaisseau ne fera peur à personne. Mais j’ai quelques idées pour ramollir leur fougue. Et puis ça va m’amuser un brin, ça fait trop longtemps que je dors dans ma grotte. Allons réveiller Jules.
– Réveiller Jules ?
– Eh ! Pourquoi pas ! Sans lui je ne suis qu’un personnage de papier, je vais avoir besoin de tous les Jules de bonne imagination pour me seconder. Allez matelots, en route.